Le préalable à toute conception est la question du plaisir. Plaisir de réinventer et de réinvestir un bâtiment aux dimensions atypiques et de lui insuffler une nouvelle histoire. Ce bâtiment totem nous fait passer de la sauvegarde d’une mémoire collective d’un passé industriel à une autre forme de mémoire désormais numérique.
J’ai voulu un bâtiment qui se veut pédagogique dans le sens où il s’offre à lire et à expérimenter l’espace dans toutes ses dimensions, longueur, largeur, hauteur, et ainsi révéler les singularités architecturales et patrimoniales. J’ai cherché à éviter une approche réflexe qui voudrait un grand atrium central bordé de bureaux, mais plutôt investir le vide comme une expérience de l’espace et renouer avec l’histoire industrielle des lieux de ce bâtiment édifié en 1847.
La dénomination des « moteurs » est assez vite apparue comme l’élément fondateur du projet. Tout le reste n’est que déclinaison programmatique et matérialité. Viennent ensuite la rue, les atriums, les espaces partagés, les entonnoirs à lumière… Le tout est pensé en rapport étroit avec le contexte environnant, l’espace public et ses équipements environnants.
J’ai cherché à multiplier les points de fuites et les perspectives, les échappées visuelles et traversantes.
Il est question d’un « quartier dans le quartier de la création », une entité forte, captant la lumière de toute part et proposant une réécriture architecturale prospective et unique dans les conditions de travail mises en scène.
Les matériaux bruts utilisés à l’intérieur de la halle (acier galvanisé, béton, tôle perforée…) expriment la technicité requise au fonctionnement du lieu, mais dans une mise en oeuvre décalée. L’enveloppe extérieure du bâtiment en Tectiva, par son jeu de calepinage et d’usinage des plaques, laisse apparaitre en spectre les traces du passé et anticipe le risque sismique du futur.
Pour parfaire cette architecture narrative, j’ai dessiné un mobilier spécifique appelé
« Les oubliés de la halle 6 », issu d’une réinterprétation d’un vocabulaire dit industriel.
Enfin, le bâtiment est conçu comme un tout. La signalétique fait corps avec le projet comme une seule et même entité, avec la présence de ses cartes « mémoires » intégrées
à l’architecture.
Benjamin Avignon